Un second cancer
A titre de dépistage préventif du cancer de la prostate, mon médecin traitant avait prescrit depuis quelques mois des contrôles réguliers du taux de PSA. Celui-ci s’avérant en augmentation, il m’a orienté vers un urologue qui a décidé de pratiquer une biopsie début novembre. Une biopsie de la prostate présente toujours un risque d’infection que l’on réduit considérablement par la prise préalable d’un antibiotique. La destiné m’ayant semble-t-il assujetti à une règle de gratification périodique de pathologies nouvelles et de surcroit souvent rares, je n’échappai pas à l’infection et me retrouvai hospitalisé pour quelques jours.
Début décembre, je revois l’urologue qui a reçu les résultats d’analyse et m’informe que j’ai un cancer de la prostate. L’information ne me consterne même pas. Psychologiquement, j’en suis arrivé à une sorte d’imperturbabilité me faisant accueillir sans émotion, avec résignation, les annonces de nouvelles pathologies. Le médecin me présente sommairement les différents modes d’intervention possibles, me prête un livre détaillé sur la question, me précisant qu’il n’y avait pas urgence dans la prise de décision.
Je ne me suis pas du tout senti en confiance avec ce spécialiste, et ai demandé à mon médecin traitant de m’orienter vers un autre urologue. Je suis d’une nature à accorder d’emblée ma confiance au milieu médical, mais plusieurs épisodes désagréables m’ont incité à franchir le pas.
Lors de sa première visite quotidienne à mon chevet durant mon hospitalisation ce médecin m’interroge sur mes symptômes. N’étant pas moi-même médecin et sans maîtrise du vocabulaire médical je tente d’exprimer avec mes propres termes ce que je peux ressentir, nuançant parfois les questions qui exigeraient des réponses en des termes très catégoriques de oui ou non. Je vois bien que cela l’excède parce que mes explications n’entrent pas dans son cadre prédéfini. Depuis près de deux années et l’apparition puis l’opération de mon premier cancer, suivie d’un an de chimiothérapie, il ne m’est plus possible d’apporter des réponses claires et précises sur mes symptômes qui sont nombreux et peuvent être attribuables à diverses pathologies. Mes repères de ce qui est normal ou ne l’est pas sont bousculés. Qu’un médecin ne soit pas en mesure d’être à l’écoute attentive d’un patient exprimant avec ses mots à lui ses propres symptômes m’inquiète. N’est-ce pas ce qui peut conduire à passer à côté du cas particulier qui échappe aux protocoles statistiquement établis ? S’il suffisait de s’en remettre aux probabilités et à des réponses types pour établir un diagnostic, un médecin serait inutile ; il suffirait aux patients de remplir un formulaire et de le soumettre à un logiciel expert !
Lors de sa première visite quotidienne à mon chevet durant mon hospitalisation ce médecin m’interroge sur mes symptômes. N’étant pas moi-même médecin et sans maîtrise du vocabulaire médical je tente d’exprimer avec mes propres termes ce que je peux ressentir, nuançant parfois les questions qui exigeraient des réponses en des termes très catégoriques de oui ou non. Je vois bien que cela l’excède parce que mes explications n’entrent pas dans son cadre prédéfini. Depuis près de deux années et l’apparition puis l’opération de mon premier cancer, suivie d’un an de chimiothérapie, il ne m’est plus possible d’apporter des réponses claires et précises sur mes symptômes, tant mes repères de ce qui est normal ou ne l’est pas sont bousculés. Qu’un médecin ne soit pas en mesure d’être à l’écoute attentive d’un patient exprimant avec ses mots à lui ses propres symptômes m’inquiète. N’est-ce pas ce qui peut conduire à passer à côté du cas particulier qui échappe aux protocoles statistiquement établis ? S’il suffisait de s’en remettre aux probabilités et à des réponses types pour établir un diagnostic, un médecin serait inutile ; il suffirait aux patients de remplir un formulaire et de le soumettre à un logiciel expert !
J’ai enfin été interloqué par le courrier de convocation à la consultation d’annonce des résultats de la biopsie, dont voici la teneur :
Le lundi 21 novembre 2011 Monsieur, Je viens de recevoir les résultats de vos prélèvements. Ceux-ci montrent un certain nombre d’anomalies dont je souhaiterais vous parler. Je vous remercie de bien vouloir revenir à la clinique pour la réalisation : - D’une consultation d’annonce le lundi 5 décembre 2011 à 9 h 15. - D’une IRM le vendredi 16 décembre 2011 à 11 h 40. Je vous recevrai à nouveau pour finaliser votre dossier le jeudi 22 décembre 2011 à 9 h 15. Dans l’attente de vous recevoir. Sentiments dévoués. |
Depuis 2005, suite à des Etats Généraux de personnes atteintes d’un cancer, a été mis en place et s’est peu à peu généralisé un dispositif d’annonce de la maladie. Celui-ci a pour vocation d’éviter aux malades d’apprendre par téléphone ou au détour d’un couloir qu’ils sont atteints d’un cancer en leur assurant un accueil plus humain et en leur proposant, s’ils le souhaitent, une rencontre avec une infirmière spécialisée qui pourra si nécessaire les orienter vers une prise en charge psychologique.
On a le sentiment que ce médecin n’a vu dans ce dispositif qu’un acte administratif qu’il applique stupidement à la lettre sans se soucier de la qualité d’information de ses patients. Moi-même, pourtant endurci par ce que j’ai vécu ces dernières années, me suis trouvé dans un état d’inquiétude indescriptible : que recouvre ce « un certain nombre d’anomalies » ? Est-ce très grave ou au contraire anodin ? De plus, il ne me sera possible de le savoir qu’au bout de trois longues semaines, délai entre l’envoi du courrier et le « rendez-vous d’annonce ». De quoi placer les plus aguerris dans un état d’angoisse insupportable ! Et comme ce monsieur ne prend jamais ses patients au téléphone, il ne faut rien espérer de ce côté-là. C’est vers mon médecin traitant que je devrai me tourner, ce qui me donnera également l’occasion de lui demander… de m’orienter vers un autre urologue. Je lui demande également de me recommander un autre oncologue situé sur le même centre hospitalier afin de faciliter ma prise en charge et mon suivi médical d’une manière plus cohérente.
Le nouveau spécialiste que je rencontrerai peu après tiendra un tout autre discours. Il se montre beaucoup plus rassurant et m’informe que ma tumeur n’est pas très agressive, que l’évolution des cancers de la prostate est généralement très lente. Je pourrais éventuellement vivre de nombreuses années avant que ce cancer ne produise de symptômes alarmants. Les protocoles de suivi sont d’ailleurs différents selon les pays, certains préférant un simple suivi régulier afin d’évaluer le degré d’évolution avant de décider d’une thérapie aux effets secondaires fréquents en termes d’incontinence et d’impuissance. C’est ce qu’il me propose et je me range à cet avis.