La "tuile"
Christiane et les enfants m’avaient offert l’année précédente deux places pour la finale de la H Cup le 22 mai au stade de France. C’est mon fils aîné, pratiquant le rugby, qui m’accompagnera pour l’occasion. Nous squattons la famille parisienne pour le gîte et le couvert. A chaque arrêt du RER qui nous conduit à St Denis des groupes de supporters des deux finalistes viennent s’agglutiner dans les wagons. A l’arrivée, impossible de manquer le chemin d’accès au stade, pourtant distant de plusieurs centaines de mètres. Le flot ininterrompu des spectateurs et les grappes de buveurs accolés aux buvettes jalonnant le parcours nous guident sans erreur possible jusqu’à l’entrée où il faut se soumettre à un contrôle strict des sacs et une très désagréable fouille corporelle jusqu’aux endroits les plus intimes. Dans cette immense enceinte, du haut de notre place, les solides rugbymen bien bâtis que nous voyons à la télévision nous apparaissent comme de minuscules fourmis sur la pelouse parfaitement entretenue. Des écrans géants sont installés afin de permettre de suivre les actions au plus près, et pour moi qui ne suis pas un habitué des stades, c’est à une véritable gymnastique consistant à déplacer rapidement le regard du terrain aux écrans à laquelle je dois apprendre à me livrer. J’assiste véritablement à un tout autre spectacle que celui dont j’avais l’habitude face à ma télévision. Je peux enfin découvrir le placement de l’ensemble des joueurs des deux équipes sur le terrain, et mieux percevoir les choix tactiques des uns et des autres. J’éprouve une tout autre perception du temps qui passe ; je suis surpris que le match soit déjà terminé alors que de telles rencontres m’apparaissaient parfois longues et interminables devant mon petit écran.
Comme nous sommes un week-end prolongé de Pentecôte, nous en profitons pour faire une visite de la Capitale le jour suivant. Nous marchons beaucoup le dimanche, et mon dos me fait légèrement souffrir. Au lever le lundi matin une vive douleur se manifeste dans le bas de la colonne vertébrale. C’est le déclenchement d’une sévère sciatique qui durera cinq semaines, dont trois pendant lesquelles je souffrirai terriblement et trouverai très difficilement le sommeil en raison de l’impossibilité de rester en position allongée. Mon moral en prend un sérieux coup. Durant cette période, j’apprends à aborder la vie d’une toute autre façon. Plutôt que me lamenter sur ce qu’il m’est devenu impossible de faire, je choisis de réfléchir aux activités qui me sont encore permises compte-tenu de mon état. Je découvre alors qu’il me reste finalement beaucoup de loisirs accessibles, et qu’il m’est également permis de faire certaines choses que je croyais impossibles moyennant quelques aménagements matériels ou précautions particulières.
Cette sciatique aura toutefois un effet positif : elle m’a libéré de tout sentiment de culpabilité quant à mon congé maladie !